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24 novembre 2009 2 24 /11 /novembre /2009 11:01

Robins des Bois à Soweto

 


Une association militante pirate le système de distribution électrique de la compagnie publique nationale pour donner du courant aux plus pauvres. Sans jamais se cacher.

Levy Nhlapo est perché sur une boîte en plastique devant une maison de la zone 2 du quartier de Diepkloof [à Soweto]. Il est en train de débrancher les câbles d’arrivée du compteur électrique d’Eskom [compagnie publique d’électricité sud-africaine] installé sur le mur extérieur. Des étincelles jaillissent quand il les relie directement à deux fils qui entrent dans la maison. Le circuit est à nouveau sous tension. Quelques minutes plus tard, la lumière revient dans la maison et dans les sept huttes voisines. Aucune somme d’argent n’a changé de mains, mais le courant est rétabli pour les heureux habitants de la maison, tandis qu’Eskom est victime d’une fraude de plus.

L’opération fait partie du travail de Nhlapo – qui se présente comme un “technicien bénévole” – au sein du Comité de crise de Soweto pour l’électricité (SECC). Cette association militante radicale vient en aide aux habitants de Soweto à qui l’on a coupé l’eau ou l’électricité parce qu’ils ne payaient pas leurs factures. Autrement dit, le mot “technicien” désigne ici quelqu’un qui a appris à pirater les compteurs.

L’action du SECC a rendu la distribution d’électricité incontrôlable à Soweto. C’est dans cette township qu’Eskom enregistre plus de la moitié de ses pertes annuelles pour non-paiement des factures en zone résidentielle. Et le SECC en est en partie responsable.

Fondé en 2000, le SECC estime que l’électricité devrait être gratuite pour tous et c’est dans cette perspective qu’il se livre à des actions de guérilla en faveur des habitants qui ne peuvent pas payer leurs factures. Ces Robins des Bois des temps modernes, qui volent l’électricité au “riche” producteur pour la fournir aux “pauvres”, agissent bien sûr illégalement, mais, jusqu’ici, aucun d’entre eux n’a été poursuivi en justice.

Le Comité, qui a son propre bureau et est financé en partie par des aides, est persuadé que ce qu’il fait n’est pas seulement juste mais indispensable. “Il ne se passe pas de jour sans qu’on reçoive une dizaine d’appels de gens à qui l’on a coupé l’électricité”, indique le porte-parole du SECC, Thabo Molefe. “Le fait que nous ayons un bureau prouve que nos services sont nécessaires.” Le SECC tient même régulièrement des réunions avec Eskom, même si le distributeur n’est jamais parvenu à le convaincre d’encourager les débiteurs à payer.

Le bureau du SECC est situé juste en face de l’agence Eskom de la rue Chris Hani [du nom d’un célèbre dirigeant de la lutte antiapartheid]. Il est tout juste assez grand pour contenir un bureau, deux chaises et une photocopieuse. Le Comité est financé par les cotisations des membres – 5 rands par an [0,44 euro] – et par des aides d’ONG comme la Fondation Rosa Luxemburg de Johannesburg ou la britannique War on Want.

Quand un habitant se présente, souvent avec une facture exorbitante, Nhlapo s’empare de ses pinces et se met en route. “Nous leur rendons ce qui leur est dû : une vie meilleure”, explique ce bénévole qui croit corps et âme à la cause de son mouvement. Tout en se rendant sur le lieu de sa prochaine intervention, il raconte qu’il lui est déjà arrivé de rebrancher le cabinet d’un médecin, des crèches, des églises et de petits commerces. La compagnie Eskom ne voit sans doute pas les choses du même œil, mais se dit prête à poursuivre le dialogue. Elle n’a pas le choix. “Nous sommes engagés dans un processus d’échange et d’information réciproque, qui nous permet d’aller plus loin”, explique Norah Mmusi, directrice de la communication chez Eskom. “Toutes les solutions sont étudiées.”

Le SECC s’exprime de façon plus directe. “Nous poursuivrons notre action jusqu’à ce que Jésus revienne, lance Nhlapo. Nous ne resterons pas les bras croisés à attendre son retour.”


Courrier International.com

04.11.2009 | Karabo Keepile | Mail & Guardian

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