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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 09:52
«On sent monter un raz de marée de la misère»
9 juillet 2012 à 16:24  Liberation.fr
Recueilli par Kim Hullot-Guiot     

Chaque année, un enfant sur trois ne part pas en vacances. Le Secours populaire déploie un large dispositif pour leur offrir quelques journées au grand air. Julien Lauprêtre, son président, l’explique à «Libération».

De quel constat partez-vous ?

Nous constatons que la misère, la pauvreté, l’exclusion, continuent de gagner du terrain de façon considérable. Il y a trois ans, nous aidions deux millions de personnes. Il y a deux ans, ce chiffre a grimpé à 2 400 000 et, l’an dernier, à 2 800 000 ! Ces personnes, ce sont des familles monoparentales, des travailleurs pauvres, et même de petits artisans, commerçants ou petits industriels qui, du jour au lendemain, se retrouvent sans ressources. Il y a aussi les familles d’immigrés, les personnes âgées et les jeunes. L’an dernier, 150 000 jeunes sont venus nous trouver, sans compter ceux qui n’osent pas. Le terrain de la demande est très vaste, et continue de s’accroître... toutes les associations font ce constat.

Il y a une vraie montée d’un «ras de marée de la misère». Ce sont un enfant sur trois et une adulte sur deux qui, du coup, ne partent pas en vacances.

Quel est le dispositif prévu cette année ?

Puisque c’est l’année des Jeux olympiques, qui crée une émulation autour du dépassement de soi, nous avons appelé les bénévoles à prendre des grandes initiatives. Nous organisons notamment les Olympiades de la solidarité. Aujourd’hui, nous sommes sur le camp Kinder Ferrero, avec mille enfants issus de familles défavorisées, venus de toute la France. Ils vont pouvoir «s’éclater» pendant huit jours. Ils pourront apprendre à nager, et la licence du sport qu’ils auront pratiqué leur sera offerte pour une année.

En août, avec la Fondation Maud-Fontenoy, des enfants iront voir la mer pendant trois jours, monter sur les bateaux et profiter d’une croisière. En outre, nous organisons un «village enfants du monde», avec des enfants venus du Proche-Orient, de Chine, du Japon ou encore d’Haïti, qui ont vécu de terribles catastrophes, et des petits de France. Ils vont tous se rencontrer, ce sera des vacances extraordinaires.

Créer un vaste mouvement d’enfants «copains du monde» est une de nos volontés. On s’appuie sur le fait que le Secours populaire est présent dans 53 pays. Par exemple, des petits Japonais ont fait une collecte pour aider les enfants turques victimes d’un tremblement de terre, en réponse à la collecte que les Turques avaient organisée face aux catastrophes au Japon.

Vous permettez aussi à des enfants de partir en vacances dans des familles d’accueil...

Oui, cette année, plus de mille enfants vont bénéficier de l’accueil familial. Ce sont des familles qui vont se serrer un peu pour accueillir un petit ou une petite, pendant une à trois semaines. Les assurances sont prises pour que cela se passe bien, c’est un placement très sûr pour l’enfant. En règle générale, les familles qui sont volontaires une année le sont l’année suivante.

Un enfant qui ne part pas en vacances, c’est un enfant stigmatisé?

L’idée qu’un enfant de pauvre va aller en vacances mais, qu’après, il retombera dans la misère est répandue. C’est peut-être vrai, mais c’est aussi stigmatisant pour les parents, dont on dit qu’ils se débrouillent mal, et que, de toute façon, la priorité est de s’habiller, de manger... et que les vacances ne sont qu’un luxe. Nous combattons cette idée : les vacances, c’est un droit, c’est indispensable.

Notre raisonnement, c’est qu’un gosse qui n’est pas parti au 15 août ne partira pas. Nous organisons donc une journée de vacances, «la Journée des oubliés». Parce qu’après, quand l’enfant rentre à l’école, et qu’il doit raconter ses vacances dans sa première rédaction, ça pose problème. Alors même s’il n’est parti qu’une journée, il va raconter son escapade comme si elle avait duré trois semaines.

Cela permet à l’enfant d’être un peu comme les autres. C’est valorisant pour la famille tout entière : à la voisine qui demande où est l’enfant, les parents peuvent répondre qu’il est à la mer ; c’est une fierté. Et cela est stimulant pour sortir de l’exclusion, de la pauvreté.

La grande idée que vous portez, c’est celle de l’importance de la solidarité...

Nous ne faisons pas d’assistanat, mais de la solidarité. Il s’agit d’un vrai partenariat entre les bénévoles et les familles. Mon plus grand bonheur, c’est d’avoir autour de moi, à la direction nationale, des gens qui sont d’abord venus demander de l’aide. En France, il y a d’un côté l’argent, l’égoïsme, le chacun pour soi... et en même temps de vrais élans de solidarité ! La solidarité ne règle pas tout, mais elle est irremplaçable. D’ailleurs, il y a encore du pain sur la planche.

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