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5 juillet 2011 2 05 /07 /juillet /2011 11:01

Travailler plus... à la mode autrichienne

Un temps de travail rallongé, mais des horaires plus souples et un départ à la retraite anticipé, voilà la recette du miracle autrichien.

"Bella gerant alii, tu, felix Austria, nube (que d'autres fassent la guerre, toi, heureuse Autriche, marie-toi)." L'adage de la maison des Habsbourg, anciens maîtres de l'Empire austro-hongrois, n'a jamais paru aussi approprié : tandis que le reste du monde, à commencer par l'Union européenne, peine à se remettre de la crise financière mondiale de 2008, l'économie autrichienne, elle, se porte comme un charme.

À peine 4 % de chômage, 4 % de croissance et une inflation jugulée (1,8 %). À 4,6 % du PIB, les déficits publics entretenus par des dépenses d'équipement et d'infrastructures restent au-dessus de l'Allemagne (3,5 %), mais très inférieurs à ceux de la France (7,7 %), et traduisent plus une large confiance envers le dynamisme du tissu économique national qu'une tendance à la gabegie budgétaire.

 

Revers de la médaille

Quel est le secret de ce "miracle" économique autrichien, si peu affecté par les soubresauts de l'économie mondiale ? D'après Eurostat, le temps de travail s'élevait en 2010 en Autriche à 44,1 heures par semaine, alors que la durée conventionnelle moyenne de temps de travail est de 38,8 heures et la durée maximale autorisée de 40 heures. S'il est retombé à 42 heures au premier semestre 2011, au deuxième rang des vingt-sept derrière le Royaume-Uni (42,2 heures), il révèle l'extrême flexibilité du marché du travail autrichien, qui bénéficie d'une situation de quasi-emploi.

Revers de la médaille, le nombre d'heures supplémentaires explose en Autriche depuis quelques années, avec 300 millions d'heures en 2009. Pour les métiers les plus éprouvants, ceux requérant une dépense physique importante, le facteur stress devient dès lors un problème potentiel, avertit Wolfgang Mazal, avocat spécialiste en droit du travail, pour qui "le surmenage épuise la population active", entraînant des coûts supplémentaires "invisibles" et la fragilisation du système des retraites.

 

Des congés plus nombreux

Les syndicats autrichiens, peu enclins à déclencher des grèves massives comme en France, commencent à se saisir du problème. Mais de nouveau, à la différence de l'Hexagone, les grandes entreprises ont aussitôt engagé la concertation. C'est le cas de firmes telles que Schenker, prestataire de logistique, qui s'engage à rembourser les heures supplémentaires impayées accumulées par leurs employés parfois sur plusieurs années.

Autre contrepartie de ce temps de travail élevé, la population active autrichienne jouit de congés plus nombreux (12 par an) et aspire à un départ à la retraite anticipé (60 ans en moyenne), ce qui tend à rééquilibrer avec le reste de l'Europe le nombre total d'heures travaillées au cours d'une vie professionnelle.

La flexibilité, pour de nombreux chefs d'entreprise, constitue le mot-clé pour absorber les fluctuations croissantes de la demande mondiale. Le constructeur de télécabines Doppelmayr, soumis à un recul de 30 % de son chiffre d'affaires depuis 2008, a désormais recours à des "stress tests", destinés à simuler des variations importantes dans l'activité. Même constat chez le fabricant de pièces pour automobiles Voest Alpine, où la flexibilité doit "permettre d'endurer une réduction jusqu'à 75 % de la production, tout en évitant une trop grande détérioration des résultats", selon le directeur général Alfred Düsing. Résultat, ces trois dernières années, moins du tiers des entreprises autrichiennes ont eu recours au travail temporaire, jugé trop néfaste pour la productivité, au plus grand bénéfice des employés, astreints, eux, à plus de souplesse au quotidien.

 

LePoint.fr, 5 juillet 2011

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