Ils ont tous signé l'appel : Jean-Luc Mélenchon, Benoit Hamon, Audrey Pulvar, Florence Foresti ou encore Clémentine Autain. Au total, 15 000 autres personnes ont soutenu la
pétition « Sexisme : ils se lâchent, les femmes trinquent !
» Dimanche, personnalités ou simples quidams ont manifesté près de Beaubourg, à Paris, pour contrer le « sexisme décomplexé » révélé par l'affaire DSK.
« C'est pas les domestiques qu'il faut trousser, c'est les machos et le sexisme », « Ras la touffe de la
domination masculine » ou encore « Nous sommes tous des domestiques » : ce sont quelques-uns des slogans qu'on pouvait entendre place Stravinsky à Paris, hier en fin
d'après-midi.
Propos « indignes » et « blagues sexistes »
Banderoles et pancartes en renfort, ils sont plusieurs centaines massés près de Beaubourg (3 000 selon les organisateurs) dont
quelques personnalités comme Eva Joly. L'initiative de la manifestation revient à trois associations Osez le féminisme ! , La Barbe et Paroles de femmes.
En compagnie de la journaliste Audrey Pulvar et l'ancienne conseillère de Paris Clémentine Autain, Caroline de Haas, porte-parole du jeune mouvement Osez le féminisme ! , rappelle leur doléance :
« Le problème n'est pas ce qui s'est passé à New York : nous dénonçons ce déferlement de sexisme, ces personnalités
publiques et politiques qui expriment des propos misogynes. »
Sans oublier les petites « blagues sexistes », dont on se vante en public ou sur les réseaux sociaux. Des actes qui
minimisent le viol, l'assimilant à un « badinage amoureux » ou une marque de virilité, alors que 75 000
agressions sexuelles sont perpétrées chaque année.
Aux yeux des féministes, sur le banc des accusés, Dominique Strauss-Kahn n'est pas seul. Le scandale révèle un autre coupable
présumé : le sexisme ordinaire qui règne dans la société. Les associations s'inquiètent du traitement de l'affaire, notamment des prises de
paroles regrettables de certaines personnalités.
En tête de liste, le « troussage de domestique » de
Jean-François Kahn, la « tartufferie »
de Bernard-Henri Lévy, ou encore cette phrase maladroite de Jack Lang, « il n'y a pas mort d'homme » : autant de propos qui ont indigné les
manifestants.
Dimanche après-midi, homme ou femme, tous fustigent ce climat machiste et délétère.
► Annie, 60 ans, militante
Au milieu de la foule, les bras levés pour maintenir une banderole, Annie n'en perd pas sa fougue.
« Je me bats pour qu'une femme puisse dire non. Qu'on ne soit pas en permanence agressée, sur son lieu de travail ou
ailleurs. »
Aujourd'hui militante de la Ligue du droit international des femmes (LIDF)
créée par Simone de Beauvoir, elle se souvient de ses premiers pas dans le mouvement féministe.
« Ce qui me choque le plus, c'est d'entendre ces propos sexistes et de voir qu'on peut encore en arriver là après toutes
nos batailles. Surtout, supporter ce déferlement d'imbécilités qu'on entendait déjà il y a 40 ans ! »
Avec un peu de malice, elle rappelle que l'an dernier, la violence contre les femmes était décrétée grande cause
nationale.
« On disait que la violence devait changer de camp. Et là, on voit revenir les vieux stéréotypes. »
► Mélanie, cadre, et Fiona, employée de théâtre, 26 ans
Lunettes de soleil sur le nez, un peu en retrait de la foule, les deux jeunes amies sont venues manifester ensemble, contre
« le sexisme ambiant ».
« C'est révoltant ce qu'on a entendu, on est loin de l'égalité homme-femme, en politique ou ailleurs. Ce climat machiste,
c'était latent. Ca a juste éclaté avec l'affaire DSK. »
Mélanie était en Espagne quand elle a eu vent de l'affaire, elle a été choquée par le « non respect de la présomption
d'innocence » et la légèreté avec laquelle les accusations de la femme de ménage ont été prises. La jeune fille s'emporte :
« Où est la présomption de véracité ? »
► Elias, professeur, 30 ans
Pour ce jeune professeur en collège et lycée, venir manifester était une évidence. Il se dit « choqué par les réactions de
la classe politique française » qui voit dans cette affaire un immense complot, défendant un DSK blanc comme neige. Elias lance, excédé :
« C'est irresponsable. »
Il n'épargne pas les médias, qui ont relayé ces propos sans tiquer. La palme revient sans hésiter à Jean-François Kahn et son
« troussage de soubrette ». Le jeune homme regrette :
« C'est comme si le viol n'était pas grave. »
Pire, pour Elias, ces déclarations d'hommes politiques ont ouvert une vanne, libéré la parole sexiste. Y compris dans sa salle
des profs :
« Autour de moi, j'entends des gens dire que c'est la femme de ménage qui a dû l'allumer, parce que c'est une salope. Ces
mots sortent la bouche de gens qu'on ne soupçonnerait pas. »
► Martial, 64 ans, associatif
Pas très loin de là, Martial, stoïque, répète quelques slogans. Il travaille pour SOS Racisme, et le féminisme est un combat qui
lui tient à cœur.
« Avec cette affaire, les politiques et même les journalistes dévalorisent la parole des femmes et des
victimes. »
Plus insidieux, ce mal touche la société entière selon lui. Les propos publics ne seraient qu'un reflet de ce qui se dit en
privé, dans les couloirs des entreprises, entre amis ou ailleurs. Inacceptable pour cet ancien syndicaliste qui a défendu des femmes, dont le salaire était inférieur à celui de ses collègues,
ou d'autres harcelées sur leur lieu de travail.
« Dans les transports ou au café, on entend les gens parler. Ils disent que c'est un coup monté par une femme qui veut
gagner de l'argent. »
A peine le temps de terminer sa phrase qu'il entonne déjà l'un des slogans lancés par les associations :
« Solidarité avec les femmes du monde entier ! »
Photo : Pancartes tenues lors de la manifestation anti-sexisme (Mélanie Wanga).
Photos : Portraits de Mélanie, Fiona et Elias (Estelle Faure).
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